Jean Lebrun : la voie du silence

Publié le par marine

"Il vaut mieux quitter l'antenne avant qu'elle ne vous quitte"
Jean Lebrun, 22 ans d'émissions quotidiennes à France culture : "Culture matin", "Pot au feu", "Travaux publics", 6 mois de plus à l'antenne que PPDA, laisse de son plein gré le micro aux jeunes.
Sur le blog de l'émission "Travaux publics" il explique les raisons qui motivent son départ : http://franceculture-blogs.com/travauxpublics/2008/06/30/les-ders-des-ders/

Journaliste comme nous en rêvions tous, loin des PPDA et autres stars du 20 heures, Un sens permanent de l'actualité, une connaissance quasi encyclopédique, le souci de l'événement en profondeur, la rigueur, l'écoute, l'humour, une pointe d'insolence, l'audace, la parole donnée aux silencieux avec en plus un non-conformisme à tout épreuve et une grande humanité.  

" La radio telle que je la pratique exige un tel engagement physique que le bonhomme risque de s’user. Surtout, avec l’âge, le vieil acrobate que je suis devenu ne peut plus prétendre provoquer l’admiration ou l’identification chez les jeunes générations: bien malin est celui qui sait aujourd’hui sauter du trapèze des classiques à celui des adolescents et tendre son fil entre des univers culturels éclatés, atomisés, individualisés. Mieux vaut retrouver cet anonymat que j’ai toujours désiré."

Lucide sur lui et sur l'époque, il préfère se retirer en douceur.

"Elle (l'émission) convenait à l’époque du débat présidentiel, quand la France se disait prête à un bouleversement du sol au plafond. Elle avait encore son utilité pendant la préparation des municipales: notre mobilité, notre attention aux enjeux locaux correspondaient à la période. Mais maintenant? Je me vois mal consumer ma vie à commenter la vie de Nicolas Sarkozy… Or la discussion des affaires publiques passe présentement par cette obligation quotidienne: le président impose son agenda, les français réagissent en râlant sans discontinuer mais en refusant de s’avouer que l’Elysée n’est que le miroir de ce qu’ils sont devenus"

Les auditeurs le regrettent déjà et des centaines de réactions s'inscrivent depuis deux jours sur le blog de l'émission. Toutes sur le même registre, elles témoignent de la reconnaissance à celui qui a su captiver ceux qui l'écoutaient :

"Nous vous avons écouté très souvent depuis quatre ans, dans des lieux que l’on dit retirés, en pleine campagne, là où le chant des oiseaux se mêlait aux sirènes des urgentistes passant devant “EL SUR”…
Au tout début, nous n’arrivions pas toujours à saisir vos cheminements, et votre façon de “faire” de la radio nous étonnait.
Au fond, ce qui nous a toujours touchés, c’est cette manière de vivre en direct avec vos hôtes d’un soir : autant de milieux éclectiques, de façon de penser, de débats de société, souvent riches de contradictions, de liberté de ton, d’humour, de gravité, de reflexions décalées … et tout cela, aux quatre points cardinaux de l’hexagone et du globe, lorsque le budget de la radio publique le permet !
A contre courant des approches régionalistes, vos itinérances ont fait la part belle à des personnalités locales qui ont su nous faire approcher du sens de leurs vies à travers leurs préoccupations du moment. Vous avez même donné la parole aux plus timides, aux plus fragiles et aux enfants si absents des cercles de la discussion.
Merci pour ces échanges directs, pour l’endurance de toute votre équipe, pour la qualité et l’éthique de son travail."

Hommage aussi de ses collaborateurs et de ceux qu'il a formés :
"salut Jean,
Quelques lignes pour te dire que j’ai été ravi et enthousiaste d’avoir partagé avec toi quelques bonnes années de journalisme radiophonique, un journalisme comme je l’ai toujours souhaité quand j’ai commencé ma carrière au début des années 90 : un mélange d’initiative, de jubilation, d’imagination et surtout de grande liberté. Tu as été un “patron” (tu as du mal avec ce mot mais c’était la réalité pour ceux qui constituaient ton équipe) qui nous poussez à nous dépasser dans notre travail, à ne pas se contenter des évidences et des réflexes moutonniers des journalistes."

Il possédait aussi ce talent très rare de nous rendre intelligent en nous amenant à croire que nous avions nous-mêmes produit le raisonnement qu'il nous servait et qu'il ne faisait qu'en rendre compte.

Il laisse un grand vide radiophonique : sa dernière émission  à écouter : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/travaux/index.php?emission_id=35060151

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