24 city : du maoïsme au libéralisme

Publié le par marine

 « Les choses que nous avons faites se répandent forcément avant de s'estomper »


En exergue du film, ce vers du poète irlandais Yeats (1865-1939) qui englobe le propos de Jia Zhang Ke. Que restera-t-il de l’usine 420 de Chengdu lorsqu’elle laissera place au projet immobilier de standing « 24 city » ? Le réalisateur chinois, depuis son premier long métrage, explore les métamorphoses de l’empire maoïste en hyper-puissance économique. Son œuvre, à la frontière du documentaire et de la fiction, enregistre les témoignages et les éclats de vie de ceux qui, au quotidien participent à l’inexorable mutation de la Chine.


60 ans de l’histoire chinoise s’infiltrent dans les propos des huit personnages que le dernier film du cinéaste Jia Zhang Ke met en scène. Cinq hommes bouleversants qui furent ouvriers dans cette usine d’armement évoquent par bribes, leur quotidien au travail et les soubresauts de l’histoire. Trois femmes, actrices qui jouent le destin d’enfants, de mères, d’amantes, les difficultés à faire vivre une famille lorsque le travail vous fuit. Ce dispositif de paroles partagées entre mémoire et imagination constitue le creuset dans lequel se fond l’Histoire du pays. Et par touches quelques séquences de la Chine maoïste : l’International chantée par une assemblée d’ouvrières qui montre mieux qu’un long discours combien cette société se pensait en terme collectif avant de commencer à se dissoudre dans l’individualisme forcené d’un ultra libéralisme barbare.

Délicatesse des regards, tendresse, retenue se croisent sur fond de paysage industriel digne des décors du film de Chaplin « Les temps modernes » qu’un ballet de pelleteuses fait sombrer et une armée d’ouvriers désossent jusqu’à l’oubli. Il y a une véritable esthétique dans cette destruction. Des plans d’une rare force qui se passent de tout commentaire. Mais il y a aussi l’espoir d’un avenir meilleur, d’une liberté dont il faudra bien trouver comment l’utiliser.


« Il y a en effet plus d’espoir dans 24 City que dans mes précédentes réalisations. Les personnages connaissent, certes, encore une crise existentielle, parce que dans la culture chinoise, on ne peut échapper à une forme de destin, de cercle de vie qui va de la naissance à la mort. Mais, ici, je montre une prise de conscience collective, un changement des conditions sociales, un changement du peuple chinois dans son ensemble. »

(…) « Oui, et aussi la liberté de cet imaginaire, d’autant que les individus qui racontent leurs histoires ont perdu cette liberté de l’imaginaire sur ce site industriel. En Chine, la plupart des gens ont connu le système d’industrie nationale et même les plus jeunes, aujourd’hui encore, ont un lien avec lui. Avant, la culture dominante du réalisme socialiste était assez proche de la culture hollywoodienne : dans les deux cas, on prône le mythe du héros avec des artifices soit spectaculaires, soit réalistes, ce qui met le spectateur dans une position d’acceptation passive. Or, j’aimerais que le spectateur devienne maître de ses pensées grâce à mes films. Je voulais surtout dénoncer la cruauté d’un système basé sur la soumission, qu’on retrouve à l’identique dans l’industrie du cinéma chinoise : les réalisateurs sont conditionnés à certains genres et types de récits. » Jia Zhang Ke

 


Jia Zhang Ke, nous offre, un nouveau témoignage sans complaisance mais avec grâce du difficile avènement des temps modernes chinois.

 


A voir, résolument

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