Agota Kristof a définitivement posé sa plume

Publié le par marine

 D'abord et avant tout, entendre sa voix  : interview sur RFI, mars 2008

 

L'été, temps de lire ou de relire, et l'oeuvre d'Agota Kristof nécessite un peu de lumière pour éclairer la noiceur qui imprime ses récits. L'auteure qui est morte mercredi, semblait déjà avoir posé la plume : depuis une quinzaine d'années, elle n'avait rien publié et disait ne plus avoir ni le goût ni la nécessité de l'écriture. Elle avait vendu sa bibliothèque d'étude, ses cahiers de notes, ses brouillons. Tentatives de renouer avec l’écriture, échecs répétés et puis rien. 


Son premier roman "Le grand cahier", paru en 1986, traduit en plus de 30 langues, avait immédiatement été remarqué. Plume trempée dans l'encre noire d'une vie déchirée : Hongrie, 1956, Agota Kristof et son mari, professeur d’histoire engagé politiquement, fuient les chars soviétiques avec leur bébé. A pied puis en car, ils atteignent Vienne, Zurich, Neuchâtel.. Elle trouve un emploi dans une usine horlogère. Le Grand Cahier est né de l’envie de raconter à ses enfants son enfance. Le reste est à lire dans le texte.

A son actif : une dizaine de pièces de théâtre, plusieurs romans et nouvelles.

 

 "L'analphabète", récit autobiographique d'une enfance hongroise sans concession , extrait :

"Je lis. C'est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sur la main, sous les yeux: journaux, livres d'école, affiches, bouts de papier trouvés dans la rue, recettes de cuisine, livres d'enfant. Tou ce qui est imprimé.
J'ai quatre ans. La guerre vient de commencer.
Nous habitons à cette époque un petit village qui n'a pas de gare, ni l'électricité, ni l'eau courante, ni le téléphone.
Mon père est le seul instituteur du village. Il enseigne à tous les degrés, du premier au sixième. Dans la même salle. L'école n'est séparée de notre maison que par la cour de récréation, et ses fenêtres donnent sur le jardin potager de ma mère. Quand je grimpe à la dernière fenêtre de la grande salle, je vois toute la classe, avec mon père devant, debout, écrivant au tableau noir.
La salle de mon père sent la craie, l’encre, le papier, le calme, le silence, la neige, même en été.
La grande cuisine de ma mère sent la bête tuée, la viande bouillie, le lait, la confiture, le pain, le linge mouillé, le pipi du bébé, l’agitation, le bruit, la chaleur de l’été, même en hiver."

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